mardi 16 avril 2024

Atelier Littérature, 3

 Dans la deuxième partie de l'atelier, nous avons évoqué les coups de coeur, peu nombreux en ce jeudi 11 avril. Mylène a évoqué le dernier récit de Colum McCann, écrivain irlandais, "American mother", publié en 2023 chez Belfond. L'auteur a rencontré Diane Foley, la mère du journaliste américain, James Foley, décapité par Daech. Comment vivre après cet acte barbare ? Comment comprendre cette atrocité commise au nom d'un Islam dévoyé ? En accompagnant la mère du journaliste lors du procès des bourreaux, l'écrivain se veut un témoin de son temps, un temps face à la violence et à l'horreur. La mère d'un courage surhumain veut affronter les assassins de son fils. L'humanisme et la civilisation face à la barbarie... Ce récit poignant ne constitue pas une lecture facile et accessible. Pourtant, il faut bien voir le réel comme il est dans cette tragédie. Odile a lu un roman historique de Maryse Condé, disparue récemment, "Moi, Tituba, sorcière", publié en 1986. Fille de l'esclave Abena, violée par un marin anglais, Tituba, née à la Barbade, est initiée aux pouvoirs surnaturels d'une guérisseuse. Elle se marie avec John et part au village de Salem. En 1692, a lieu le procès des sorcières de Salem et Tituba est arrêtée, oubliée dans sa prison jusqu'à l'amnestie générale qui survient deux ans après. Maryse Condé la réhabilite, l'arrache à l'oubli, et la ramène dans son pays natal, la Barbade. Un beau roman à redécouvrir. Odile a beaucoup apprécié un grand succès de librairie, "Les yeux de Mona" de Thomas Schelsser, paru en janvier 2024. Un grand-père fantasque et érudit initie sa petite fille chaque mercredi à une oeuvre d'art. Ils vont sillonner le Louvre, Orsay et Beaubourg. La petite fille va découvrir la beauté à travers les regards de Botticelli, Vermeer, Goya, Courbet, Kahlo, Basquiat pour citer quelques artistes. Un livre à conserver dans sa bibliothèque pour comprendre le monde de l'art. Danièle a présenté un récit autofictif de Marielle Hubert, "Il ne faut rien dire", publié chez P.O.L. en janvier 2024. Ce livre traite de la délicate question de l'inceste. Comme je l'ai lu aussi, je consacrerai un billet entier dans ce blog. 

lundi 15 avril 2024

Atelier Littérature, 2

 Je poursuis l'évocation des lectures concernant les relations "frères et soeurs" dans les romans. Annette, Geneviève M. et Odile ont bien apprécié le roman de Karine Tuil, "Tout sur mon frère", publié en 2005. Deux frères, Amo et Vincent, issus de la petite bourgeoisie, se heurtent tant ils sont différents. Vincent, le trader, adore la réussite, le luxe et les amours tarifiées. Amo, l'aîné, choisit la littérature et raconte la vie familiale. Mais, un jour, leur père tombe malade et leur demande de renouer un impossible dialogue. Cette épreuve familiale va transformer leur relation fraternelle. Les fantômes du passé resurgissent et ce retour aux sources de leur enfance va changer la donne. Karine Tuil excelle dans les huis-clos familiaux, traversés par des passions parfois destructrices comme le goût de l'argent, du sexe et du pouvoir. J'ai constaté que ce roman n'a pas du tout ennuyé les trois lectrices de l'Atelier. Un des meilleurs romans de Karine Tuil. Danièle a choisi un roman hors liste sur le conseil d'une libraire, "Le Moulin sur la Floss" de George Eliot, paru en 1860. Virginia Woolf écrivait : "Relire les romans de George Eliot nous procure toujours la même énergie et la même chaleur à tel point qu'on ne veut plus la quitter". La toute jeune et idéaliste Maggie Tulliver forme avec son frère Tom un couple lié par un amour indestructible. Leur père a fait faillite et il a été obligé de vendre le moulin. Il en meurt de chagrin et Maggie s'ennuie dans sa nouvelle vie. Elle se rapproche d'un jeune homme sensible et cultivé au grand dam de Tom. Ce roman que Danièle n'a pas encore fini de lire l'enchante. J'avais hésité à intégrer George Eliot dans ma liste des romancières anglaises de mars. Danièle nous a donné envie de la lire ! Odile a choisi le seul essai de la liste, "Faire famille. Une philosophie des liens", de Sophie Galabru, paru chez Allary. Ce livre a beaucoup intéressé Odile car le thème de la famille ne laisse personne indifférent. Il est question des répartitions des tâches et des biens, des rapports hiérarchiques, de protection, de violence, des nouvelles formes de famille. L'autrice parle aussi d'elle et de sa famille. Son grand-père est le grand comédien Michel Galabru. Son essai permet de mieux comprendre les liens familiaux et de mieux les vivre. (La suite, demain)

vendredi 12 avril 2024

Atelier Littérature, 1

 Nous étions une dizaine de lectrices dans l'Atelier Littérature de ce jeudi 11 avril. J'ai présenté le thème de l'Atelier du jeudi 16 mai et j'ai choisi Gaëlle Josse, une écrivaine discrète, intimiste, qui vient d'écrire un recueil de textes, "A quoi songent-ils, ceux que le sommeil fuit ?". Je l'ai vue récemment dans la Grande Librairie et j'ai remarqué son élégance d'être. Ces romans courts et profonds vont plaire, je l'espère, aux lectrices de l'atelier. Mylène a démarré la séance avec un titre de la liste, "Frères et soeurs en littérature". Elle a présenté le récit autobiographique d'Elizabeth de Fontenay, "Gaspard de la nuit. Autobiographie de mon frère", paru en 2018. Mylène a bien apprécié ce texte émouvant sur l'handicap mental de cet homme autiste, absent à lui-même : "Il ne se regarde pas dans la glace. Il sourit rarement, ne rit pas, ne pleure pas. Il n'affirme jamais : ceci est à moi, mais seulement parfois demande : est-ce que c'est pour moi ? Il dit rarement je et ignore le tu". Ce beau livre d'une tendresse pudique envers un frère malade mérite amplement une lecture attentive. Odile et Geneviève ont lu le roman de Maggie O'Farrell, "En cas de forte chaleur". L'ambiance est lourde dans la famille Riordan. Le père de famille a disparu en allant acheter son journal. A Londres, Gretta, sa femme, prévient ses enfants qui reviennent dans la maison familiale pour éclaicir le départ de leur père. Entre rancoeurs et disputes, le drame se charge de mettre du désordre dans cette famille. Geneviève a bien aimé ce roman sur ces querelles familiales pour des raisons futiles alors qu'Odile l'a trouvé un peu trop facile à lire. Geneviève H. et Danièle ont lu "Inséparables" d'Alessandro Piperno. Les frères Pontecorvo, Filippo et Samuel, les inséparables, sont pourtant différents. L'aîné collectionne les aventures. Le cadet n'a aucun succès. Mais, un jour, les destins s'inversent. Les Pontecorvo vont devoir faire face aux pressions médiatiques. Les deux lectrices ont trouvé ce roman un peu trop brouillon, trop foisonnant et n'a pas laissé un grand souvenir de lecture. Odile a choisi "Mon frère" de Daniel Pennac. Encore une déception pour la lectrice car plus d'un tiers du récit évoque le personnage de Bartleby de Melville, celui qui dit non, "I would prefer not to". L'écrivain relate la mort de son frère : "J'ai perdu le bonheur de sa compagnie, la gratuité de son affection, la sérénité de ses jugements, la complicité de son humour, la paix. Mais, qui ai-je perdu ?". Odile a trouvé ce récit autobiographie un peu court et assez superficiel. (La suite, lundi)

jeudi 11 avril 2024

"En vérité, Alice", Tiffany Tavernier

 Le dernier roman de Tiffany Tavernier, "En vérité, Alice", publié chez Sabine Wespieser, pose le problème de l'emprise amoureuse. Alice Fogère est tombée dans les griffes d'un prédateur invivable, son conjoint qu'elle aime malgré tout. Lui, le préféré des étudiantes, le beau gosse, a jeté son dévolu sur la jeune fille, Alice, timide et effacée. Elle n'en revient pas, Alice, que cet homme s'intéresse autant à elle. Ils forment un couple fusionnel depuis cinq ans. Tout son entourage familial se pose des questions sur son compagnon imprévisible au comportement violent. Cet amour immense est une prison consentie. Elle reste persuadée qu'elle va le sauver de sa rage de vivre provoquée par une enfance difficile. Un jour, il perd son travail et Alice trouve par hasard un poste de secrétaire administrative dans une association diocésaine de Paris. Elle va s'intéresser au phénomène des candidatures à la canonisation, première étape d'une procédure que le Vatican doit valider. Aidée par des collègues d'une gentillesse inhabituelle, elle découvre ce monde inconnu des "serviteurs de Dieu", des "Vénérables ou Bienheureux" qu'il faut évaluer. Son compagnon, Geoffrey, ne cesse de la harceler au téléphone, ne supportant pas qu'elle ne soit pas à ses ordres. Il l'humilie devant des relations qu'il reçoit chez lui. Mythomane, odieux, caractériel, cet homme toxique la terrorise et la brutalise. Plus Alice avance dans son nouvelle mission, plus elle vit dans le déni de son couple. Comment rompre cette emprise infernale ? Le roman oscille entre sa vie professionnelle empathique et sa vie privée brutale. N'est-elle pas elle aussi une sorte de sainte à force d'instruire les dossiers du diocèse ? Pourtant, sa famille l'alerte, ses nouvelles collègues aussi. Tiffany Tavernier intercale dans son récit des portraits de saints mais cela ne dérange pas le fil de l'intrigue. Les scènes conjugales ressemblent à un enfer insupportable. Sortira-t-elle de cet enfer ? La lectrice que je suis avait envie de secouer cette femme vaincue, effrayée, timorée pour qu'elle réagisse et quitte ce mufle total. Il faut lire ce roman original et même si l'emprise amoureuse est largement traitée dans les romans contemporains, Tiffany Tavenier apporte une note surprenante avec l'intégration de ce sujet sur les dossiers de la canonisation des futurs saints. 

mercredi 10 avril 2024

Escapade à Venise, dernier jour nostalgique

 J'ai vu Venise sous une pluie battante pendant deux jours mais j'ai bénéficié de six jours de soleil printanier. Venise sous la pluie conserve son charme éternel et nimbe le paysage vénitien d'une nostalgie douce. Quand la pluie est de la partie, visiter un grand musée devient une nécéssité. J'avais donc gardé dans mon programme le Musée Correr, le plus important et le plus grand de la cité. Situé sur la Piazza San Marco face à la Basilique, il occupe une partie de l'aile Napoléon du palais royal de Venise. Pourquoi ce nom de Correr ? Teodoro Correr (1750-1830), un descendant d'une des plus anciennes familles vénitiennes a légué sa collection d'oeuvres d'art à la ville. Je suis arrivée vers 10h du matin et après un léger embouteillage provoqué par la fouille des sacs, j'ai commencé ma visite par les appartements de Sissi, l'impératrice ! Une vingtaine de salles est consacrée à l'histoire de Venise : magnifiques mappemondes, bibliothèque somptueuse, maquettes de bateaux, collection de monnaies, lustres de Murano, armes et armures, etc. Quelques salles montrent les objets archéologiques : bas-reliefs, sarcophages, vases étrusques et grecs, bronzes, marbres, bijoux. Juste après ce musée, se trouve la magnifique Bibliothèque Marciana Nationale, dessinée par Sansovino au XVIe siècle et décorée par Veronèse et le Tintoret. Au deuxième étage, j'ai revu avec plaisir la Pinacoteca rassemblant les oeuvres majeures de la peinture vénitienne du XIIIe au XVIe siècle : Cosme Tura, Bellini, Antonello da Massina sans oublier un Carpaccio célèbre, "Les deux dames vénitiennes". L'après-midi, je voulais revoir le Musée Peggy Guggenheim mais quand j'ai vu la file d'attente sous la pluie, j'ai rebroussé chemin. Je connais bien ce musée d'art moderne et comme les salles sont très petites, la fréquentation massive de ce lieu empêche la contemplation devant les tableaux. Il faut savoir aussi renoncer parfois à des visites prévues. Malgré une pluie fine, je me suis baladée dans le Dorsudoro et je suis restée dans l'Eglise des Gesuiti pour admirer le plafond de Tiepolo et un tableau du Tintoret. Le lendemain, j'ai repris le bateau Alilaguna avec une mini-tempète pour rejoindre l'aéroport. J'étais bien secouée pendant une heure trente et je tangais en remettant les pieds sur la terre ferme. Tanguer, un verbe que j'ai conjugué pendant huit jours ! Je tangais en sortant du vaporetto, je tangais devant la beauté des canaux et des palais, je tangais devant les Bellini, les Veronèse, les Tintoret, je tangais devant le Palais des Doges ! Venise, ma destination préférée en Europe et évidemment, j'y retournerai. 

mardi 9 avril 2024

Escapade à Venise, le Cannaregio et le Castello

 Le lundi, j'ai pris le vaporetto avec toujours un plaisir renouvelé pour me rendre dans le Cannaregio, un quartier calme et peu fréquenté aux multiples visages qui abrite l'ancien Ghetto juif, le premier au monde identifié par des habitations de six à neuf étages. Les canaux plus larges qu'au centre de la ville sont bordés par des quais, ponctués par des trattoria populaires. J'ai visité de belles églises dans la matinée sous un soleil printanier très agréable. Dans la Chiesa di Sant'Alvise, j'ai déniché des Tiepolo et les fresques étonnantes du plafond, réalisées par Bastiani au XVIIe siècle. J'ai visité ensuite la Chiesa della Madonna dell'Orto, édifiée au XIVe, de style gothique. La façade porte une frise de statues et d'ornements et à l'intérieur, l'église se transforme en véritable musée : Cima de Conegliano, Palma le Jeune, le Titien et surtout le Tintoret. Il est enterré dans cette église car il a vécu trente ans dans son atelier, situé à quelques mètres. Je connaissais assez mal ce peintre et j'ai appris à l'apprécier en observant ses immenses toiles, saisissantes dans l'expression des émotions humaines. Une des plus belles églises de Venise. L'après-midi, j'ai redécouvert le Castello, un quartier peu fréquenté de Venise. Les Vénitiens le nomment la "queue de Venise", car la Sérenissime ressemble à un poisson. Le musée de la marine (Museo Storico Navale) était fermé temporairement et dans ce quartier de l'Arsenal où travaillaient des milliers d'ouvriers, quelques églises remarquables méritent le détour en particulier la Chiesa Di San Francisco della Vigna. Des vignes poussaient dans le campo où se situe cette église du XVIe siècle, dessinée par Palladio, sur un modèle classique, harmonieux et équilibré. Et les trésors artistiques dans cet édifice religieux ? Un rétable du Véronèse et une coupole de Tiepolo. Le cloître du couvent adjacent de toute beauté donne un sentiment de paix et de sérénité et dans une chapelle, j'ai découvert un Giovanni Bellini, caché au dessus d'un autel ! Je n'avais pas de pièce de monnaie pour éclairer ce chef d'oeuvre mais, un gardien est venu gentiment avec un euro et une lumière a jailli pour admirer cette Vierge Marie avec l'enfant Jésus, entourée de personnages. Je garderai un très beau souvenir de ce moment de gentillesse qui peut se manifester envers des visiteurs anonymes. J'ai terminé ma journée devant un Rétable de Giovanni Bellini (encore lui !), une "Vierge à l'Enfant entourée de saints", une oeuvre extraordinaire dans la Chiesa San Zaccaria. L'ange musicien au pied de la Vierge m'enchante toujours autant. Ah, les églises de Venise, des lieux enchanteurs et silencieux, loin de la foule bruyante de San Marco et du Rialto. 

lundi 8 avril 2024

Escapade à Venise, la ville des musées

 Depuis que je voyage, je choisis souvent les villes européennes pour la qualité de leurs musées. Certains et certaines ont le goût de l'exostisme, des paysages, des lieux naturels à couper le souffle. Je comprends cette démarche mais cela ne me suffit pas. J'ai besoin de la présence artistique dans les villes et Venise m'offre cette double perspective : des paysages fantastiques et des musées magnifiques. Quelle aubaine ! Le dimanche matin, j'ai revisité un des musées les plus originaux de la ville : le musée Fortuny, fermé depuis deux ans et qui a réouvert ses portes cette année. Mariano Fortuny (1871-1940), espagnol d'origine, créateur de tissus a été aussi sculpteur, peintre, photographe, couturier, décorateur. Sa polyvalence convenait parfaitement à l'identité vénitienne. Installé dans son palais Pesaro, un palais gothique du XVe, Fortuny a crée sa propre oeuvre d'art dans ce musée loufoque, baroque, original au décor somptueux : sculptures, tableaux, jardin d'hiver, fresques sur les murs, objets divers. Ce musée dégage un charme particulièrement envoûtant. Avant de visiter le deuxième musée de la journée, j'ai voulu voir le Lido, ses plages et ses hôtels mythiques, la mer Adriatique. Pas de vagues océaniques mais des vaguelettes comme la Mer Méditerranée. J'ai ramassé des coquillages sur la plage pour les exposer plus tard dans ma bibliothèque. Je les conserverai tels des reliques vénitiennes ! Comme ce n'était pas la saison estivale, beaucoup d'établissements balnéaires étaient fermés. Revenue sur les Zattere d'un coup de vaparetto, j'ai déjeuné dans un restaurant que je conseille vraiment, chez Gianni, et la cuisine vénitienne comble tous les gourmets de la terre. En fin d'après-midi, j'ai revu un des musées que j'aime le plus : la Galerie de l'Academia. Installé dans plusieurs batiments historiques (église, couvent, scuela), la galerie est composée de 37 salles réparties autour de deux cours.  Devant mes yeux, des collections du XIVe au XVIIIe ; Bellini (une salle entière pour lui), Carpaccio, Bosch, Veronèse, Tintoret, les primitifs siennois, Tiepolo et surtout le tableau le plus saisissant, le plus mystérieux qui soit : "La Tempète" de Giorgione. Le musée était peu fréquenté à cette heure tardive et quel plaisir de le parcourir en toute quiétude ! Le soir, j'ai profité d'un beau coucher de soleil comme tous les soirs, un spectacle à quotidien à savourer. Venise marie à merveille l'art, l'architecture, la peinture, la musique avec la mer, les îles, la lagune, les canaux. Une ville de rêve et un rêve de ville.